Le dispensable

Cher élève d’une certaine classe,

Avant, pour recevoir une leçon d’humilité, j’avais le choix entre une bonne raclée (sportive ou donnée par mes parents) ou un événement exceptionnel (tremblement de terre, ouragan ou disparition d’un proche). Maintenant que tu as fait tomber le slip et les barrières qui entouraient ta bouche, j’ai une ligne directe avec tes pensées; mieux encore, tu n’hésites plus à me dire ce que tu ressens.

C’est ainsi qu’aujourd’hui tu m’as humblement confessé que si mon cours était intéressant et dynamique c’est tout simplement parce que tu es rentré dans ma vie. Ce ne sont pas mes longues années d’études ou pire ma dizaine d’années d’expérience qui ont fait que j’arrive un peu mieux à cerner comment aborder telle notion avec vous et capter votre attention, que nenni ! Il s’avère que ta maman a mis au monde un génie capable avec quelques mots bien placés (« boug mwen », « mové !», « entre temps ! »… ) de capturer l’ambiance sereine que j’ai eu tant de mal à installer et à bousiller mon cycle vertueux d’apprentissage.

Le pire dans tout ça, c’est que tu te crois aussi indispensable et incontournable que la pierre des12 angles de la civilisation « Inca ». Tu arrives même à imaginer des scénarios catastrophe pour le jour où tu seras absent, visualisant tes camarades en zombies lobotomisés sniffant chaque table à la recherche de ton odeur, se vidant de leur eau tellement tu vas leur manquer.

Je te rassure mon ami, le monde continuera de tourner sans ton aide, le cours se poursuivra même si tu t’exiles au fond de la salle et que tu jettes ta langue aux oubliettes. Certes tu arrives à capter ce qui fait un bon One man show mais s’il y a bien une chose qui t’échappe en ce moment c’est de la matière grise.